Le Chêne Germain

Tina se sent nulle, juste descendue du bus. La traversée de Rennes, son passage clandestin chez son père l’ont remuée, elle a cette fois l’impression d’avoir fait quelque chose d’illégal. L’après-midi se termine. Seuls ou par petits groupes, les « voyageurs » du bus se sont vite dispersés au terminus, chacun avec un pas et une allure sans équivoque. Ils savent où aller et quoi faire. Sans conviction, Tina fait quelques enjambées parce que rester là serait ridicule. Et peut-être que ça éveillerait la curiosité du chauffeur. Elle bat rageusement du pied, comme si elle avait froid. Son indécision la vexe, elle lève les yeux sur une curieuse petite place, bornée de fausses colonnes doriques. Un bout de ligne, une zone de bureaux, des pelouses, des arbustes et dans les trouées des bâtiments, des grands arbres et des champs. Le carrefour aménagé à la romaine ne distribue ses voies que vers des parkings et des entrées grillagées. Parfois une guérite, parfois un vigile. Seule une petite route s’en va là-bas, plongeant subitement sous un pont… Par là ? De la rue qui vient de la ville surgit déjà un autre bus. Il ondule et met ses clignotants devant la clinique, se gare en demi-lune. Derrière lui déboite une voiture blanche, lente, blanche à rayures rouges et bleues. Patrouille, trouille. Rien ici, attention, le bus ! Je suis connue, je suis recherchée, je dois me cacher, la voilà ton hésitation pauvre gourde ! Tina se faufile entre les haies, les arrières de bureaux et les pompes à chaleur. Elle se baisse un peu devant les fenêtres éclairées où elle aperçoit des gens encore au téléphone ou à leur ordinateur. Stoppée par un grillage, elle repart vers une nouvelle grille. Elle s’accroupit. Prend garde à ne pas se trouver dans un angle de vue et met à jour son ambition. L’urgence est d’attendre, de se cacher là. Pour préserver la suite. Il n’y a plus à hésiter. Elle est joyeuse de son pragmatisme retrouvé. Oui, son voyage en spirale l’emmènera bien au bout du monde, ce monde qu’elle compte arpenter pour en connaître la sereine destinée. Guillaume ou bien cet Hector Renaud l’aideront. L’important est qu’elle marche. Adieu les trottoirs !


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