Saynettes d'un couple que je ne connais pas

Le couple du titre de la pièce est composé du public et du personnage Ondine. Celui-ci est incarné par les acteurs et actrices sauf un ou une qui incarne Aldébaran. Aldébaran joue l’auteur de la pièce.

Aldébaran et Ondine ont des moments d’improvisation notés Improv. . L’idéal serait que ces moments soient donnés au Public avec émotion. Il est possible de pimenter la pièce par des mots support à l’improvisation suggérés par le Public (billets ou pancartes, pré-écrits ou laissés au bon vouloir). À certains moments, les acteurs peuvent brandir des pancarte incitant le Public à dire du texte.

Début

Une Ondine est sur le bord de la scène. Aldébaran semble chercher quelque chose. Ondine ignore. Ondine regarde ailleurs. Puis Ondine s’intéresse. Ondine hésite et regarde jardin puis cour. Suit un moment Aldébaran en le mimant et stoppe en regarde enfin Public.

Rencontrons-nous

Ondine (face à Public) : On se connaît ?

Aldébaran: Peut-être …

Ondine : On s’aime ?

Aldébaran: Je ne sais pas. C’est possible. Mais je crois que non.

Ondine : Et alors ? Et alors ?

(Ondine sollicite le Public. En vain.)

Aldébaran: Et pourtant ?

Ondine (théâtrale) : Et pourtant !

Aldébaran : Oui, c’est ça. Et pourtant : rencontrons-nous.

Ondine (regarde A, puis reviens vers Public.) : OK. Rencontrons-nous, rencontrons-nous !

Aldébaran : Rencontrons-nous.

(Il esquisse une danse. Ondine le suit vaguement.)

Une autre Ondine (arrive, regarde A, puis reviens vers Public.) : OK !… Mais à combien ?

Aldébaran (interloqué) : Comment ça à combien ?

Ondine (regarde A) : Ben oui, combien ? Tu crois que je fais ça à combien ?

Aldébaran (regarde le Public, écarte les bras) : Combien ? Mais qu’est-ce que c’est comme question ?

Une autre Ondine : Pour ce genre de relation, c’est une bonne question, oui.

Aldébaran : Attendez, attendez… Pour quel genre de relation ?

Ondine : Ben enfin voyez-vous… Celle-ci (Clin d’œil, Ondine désigne successivement lui, A et le public.)

Une autre Ondine (regarde le Public attentivement, l’air de compter des sous) : Bon, moi ça me va. Allons, rencontrons-nous… Allons, rencontrons-nous !

Aldébaran : Oui, bon… Faisons connaissance, toi et moi ?

Encore une autre Ondine : Vous ne seriez pas du genre radin, vous ?

Aldébaran : Non, je vous assure. Le moins possible.

Ondine : Le moins possible ?

Aldébaran : Plus nous sommes nombreux, mieux je me porte. Je vous assure !

Ondine : Plus vous êtes nombreux, mieux je me porte ? … Vous ne seriez pas une espèce de pervers ?

Aldébaran : Non, je vous l’ai dit, le moins possible !

Ondine : D’accord…

Une autre Ondine : Parlez-moi.

Ondine : Parlez-moi.

Une autre Ondine : Parlez-nous.

Aldébaran (sollicitant le public) : Oui, parlons-nous, parlons-nous !

Parlons-nous

Encore une autre Ondine : De quoi parlons-nous ? Oui, nous parlons de quoi ? (regardant Aldébaran) De vous ?

Aldébaran : Oui mais combien êtes-vous, alors ?

Ondine : Ben combien qu’il est bête !

Aldébaran : Non, je ne suis pas bête.

Ondine : Ah, vous êtes combien, vous, alors ?

Aldébaran : je suis seul…

Ondine : Ben vous êtes bête, c’est bien ce que je disais.

Une autre Ondine : C’est bien ce que je disais.

(Silence. Ondine esquisse des mouvements)

Aldébaran : Ça vous allait pourtant tout à l’heure… Vous avez dit oui je crois. Je vous proposais de parler.

Ondine : Oui !

Aldébaran : Et maintenant voulez-vous toujours ?

Ondine : Oui !

Aldébaran (à Public) : Et maintenant voulez-vous toujours ?

Ondine : Oui, d’accord. Mais de parler de quoi ?

Aldébaran : Ben, de parler, voilà : allez-y ! (Il désigne alternativement Ondine et le Public)

Ondine : Oui mais comment ?

Aldébaran : Comment ça comment ? Vous revoilà à compter les combien et à commenter les comment ! Et pourquoi pas les pourquoi ? Les pourqui comment et les là où je ne sais quoi !

(Silence. Ondine le regarde et se tourne interrogative vers le Public.)

Aldébaran (il répète scolairement, articulant) : Pourquoi pas les pourquoi ? Les pourqui comment et les là où je ne sais quoi ! : Il faut que ce soit moi qui vous dise quoi dire ?

Une Ondine : Oh la là ! Il se fâche !

Aldébaran : Il faut que ce soit moi qui vous dise que nous nous parlons ?

Ondine : Ben gros bêta oui !

Une autre Ondine : Ben oui, faut qu’on se parle, quoi !

Encore une autre Ondine : Parce que là on se dit rien peut-être ? On ne se parle plus, on ne se comprend plus, on ne communique pas ?

Ondine : Nous brassons de l’air ?

(Les Ondines font des gestes de sémaphore. Il les répète tant que le public ne le suit pas. Puis il suggère. L Quand le public imite A, Ondine imite le public et suit ostensiblement quelques personnes du Public.)

Aldébaran (tout en continuant ces gestes) : Ah… Ah…. Oh….

Ondine (répétant les onomatopées du Public.) : Ah… Ah… Oh….

(Aldébaran et Ondine conduisent à une espèce d’orgasme commun.)

Ondine et le Public : Aimons-nous ! Aimons-nous ! Aimons-nous !

Aimons-nous

Ondine et le Public : Aimons-nous ! Aimons-nous ! Aimons-nous !

(Après un temps.)

Aldébaran : Et bien moi je ne vous aime pas ! Je ne vous aime pas ! Je ne vous aime pas !

(Silence.)

Aldébaran (s’adressant au Public) : Na ! (Et il tire la langue.)

(s’adressant ensuite à une Ondine) :

Aldébaran : et vous, je ne sais pas.

Ondine : Allons, allons mon biquet : te voilà fâché… Aimons-nous, veux-tu ? Aimons-nous…

(Aldébaran reste froid.)

Ondine : Oui, aimons-nous encore, aimons-nous toujours, aimons-nous tous les deux jusqu’à la fin des toujours ! Jusqu’à la fin des toujours, jusqu’à la fin des vécurent des jours heureux, jusqu’à la fin des…

Aldébaran : il était une fois ?

Ondine (interloqué) : une fois de quoi ?

Aldébaran : Jusqu’à la fin des il était une fois ! Vous étiez bien partie pour ne rien dire alors, tant qu’à faire, autant clore à la définitive : Il était une fucking bonne fois pour toute !

Ondine (choqué, se retourne vers le Public) : … Mais, enfin… (Ondine sollicite le Public) : mais enfin.

(Ondine est vide mais tente de répéter) : Mais enfin…

(Une autre Ondine) : oui, l’amour. Celui qui vient, celui qui va. Celui des Capulet et des Montaigu. Le fidèle et le vache, le…, la…

Aldébaran : Ah ! … Ah ! Ondine manque de mots, Ondine veut aimer mais Ondine manque de mots ! Ben oui, Ondine manque de mots.

(Ondine est désemparé. Mais Ondine sollicite le Public) : Ben Ondine manque de mots, non ! Ondine ne manque pas de mots ! Des mots, il y en a plein partout ! Là, ici, de ce côté, là-bas, juste ici : des mots ! Des mots ! Partout des mots ! Des mots, des mots, des mots !

Ondine et le Public : Des mots, des mots, des mots !

Aldébaran (calmant le jeu) : des mots, des mots… des mots d’amour, oui, des mots d’amour… De l’atmosphère, oui, de l’atmosphère… Qu’est-ce vous croyez, que c’est facile ?

(Silence.)

Aldébaran : Que c’est facile des jolis mots d’atmosphère ? Que c’est valentin de causer valentine ? Que c’est que d’l’amour que d’causer d’amour ?

(Silence)

Aldébaran (s’adressant à On) : Hein ? Hein ?

(Ondine, prenant le Public à partie avec des gestes) : Non !

Aldébaran : Alors aimons-nous comme les étoiles dans la nuit. Elles se clignent de l’œil, elles s’allument, elles font de jolies formes que les hommes et les femmes aiment découvrir le soir. Alors, aimons-nous ! Comme la rosée recouvre tendrement au petit matin le bourgeon de la rose ou la tendre pelouse. Inventons les formes inédites de la vie comme s’amusent à le faire là-haut les soleils et les trous noirs.

(Ondine, prenant le Public à partie avec des gestes) : Oui !

Aldébaran : Ce n’est pas si facile !

(Ondine, prenant le Public à partie avec des gestes) : Non !

Aldébaran : Ben oui !

(Ondine, prenant le Public à partie avec des gestes) : Non !

Aldébaran : Avec des mots, il faut en plus faire des phrases.

(Ondine, prenant le Public à partie avec des gestes) : Oui ! Non ! Oui ! (Et ainsi de suite jusqu’à ce que)

Une autre Ondine : Aimons-nous ! J’adore déjà tout ce que tu vas me dire. Je jouis déjà de ces mots dans ma bouche.

Aldébaran : …euh, oui ? Hé bien : souhaitez vous être heureux ? Pour toujours ? Le jurez vous ?

Ondine (avec le Public) : Oui ! Non !

Aldébaran : Même si des phrases sont difficiles à entendre ? Voulez vous partager, vivre ensemble tout cela ?

Aldébaran : Marions-les, marions-les !

Ondine (avec le Public) : Oui ! EUH ! Oui !

Aldébaran : Hi, han ! Hi-han !

Ondine (avec le Public) : Hi han, hi han !

Aldébaran : Publions les bans ! Publions les bans !

Ondine (avec le Public) : Les bans, les bans !

Nous sommes marié·es

On mime des trucs de mariage sur scène. Puis.

Ondine : Ah, que c’est bon !

Aldébaran : Oh oui, c’est bon !

Ondine (à Public) : Ah, que c’est bon !

Aldébaran (à Ondine): Oh oui, c’est bon !

Ondine (à Public) : Ah, nous sommes mariés

Aldébaran (à une autre Ondine) : Oh oui, nous sommes mariés.

Ondine : Ah ?

Aldébaran (à Public) : ah oui, vous êtes mariés…

Une Ondine : Vous, vous êtes le témoin.

Aldébaran : Le témoin, le maire, le curé…

Ondine : Le témoin, le maire, le curé… La fête est finie si je comprend bien !

Une autre Ondine : Vous nous laissez tranquilles alors, hein ?

Encore une autre Ondine : Comme qui dirait qu’on aurait notre nuit de noces maintenant. …

Aldébaran s’efface dans le fond du décor.

Ondine (à Public) : Ah, nous sommes mariés… oui, bon.

Une autre Ondine : Et que se dit on, alors ?

Ondine : hé bien, tu ne sais pas ? Tu ne sais pas comment ça se passe une nuit de noces, une nuit d’amour au théâtre ?

(Les Ondines parlent alternativement.)

– Bien sûr !

– Alors raconte !

–. ..

– Bravache !

– Peut-être qu’ils savent, eux ?

–. ..

– Bravaches !

– Ignorants !

ETC.

Ondine : ah, tu vois ! Je le savais ! Ma maman m’avait bien dit !

(Les Ondines laisse le public interagir mais prennent peu à peu la conversation à leur compte.)

Ondine : hé bien tu n’en sais rien !

Une autre : Comment ça je n’en sais rien ? Tu es gonflé !

Ondine: ah, je suis gonflée, ah je suis gonflée, mais c’est toi qui me gonfle !

Une autre : Mais bien sûr, mais bien sûr que je te gonfle, je suis justement là pour ça !

Ondine : Mais pas du tout ! Nous sommes mariés je te le rappelle ! Nous ne sommes en aucun cas censés nous gonfler, ni d’ici ni de par là ! Mais enfin à la fin, vas-tu te décider ?

Autre Ondine : Me décider à quoi ?

Ondine : Hé bien, à dire quelque chose !

Une autre Ondine : Ah mais ! Es-tu jamais capable de me faire autre chose qu’une scène ?

Ondine : Mais, je ne te fais pas une scène ! C’est toi qui répète tout ce que je dis !

Autre Ondine : Mais pas du tout, c’est toi qui répète. Moi, je dis ce qui est écrit.

Ondine : écrit quoi, écrit où ?

Autre Ondine : écrit dans les écritures pardi !

Ondine : Alors, si c’est écrit, aime-moi… Dis moi des choses tendres. Dis moi des choses sur mes yeux. Tu les aimes mes yeux ?

Une autre Ondine : Tu les aimes mes jambes ?

Ondine (à Public) : Tu les aime mes cheveux ? Ne sommes-nous pas mariés après tout ?

Autre Ondine : Mais lui ?

Ondine : ah, ben, il fallait y penser avant.

(Silence.)

Aldébaran (s’avançant) : c’est à dire que… Je ne leur ai pas demandé leur avis….

Ondine (s’adressant au Public) : Non ? (– NON !)

Infidèles

Ondine (s’adressant au Public) : Non ? (– NON !)

Ondine (s’adressant à A) : ils ne sont pas d’accord.

Aldébaran : Zut ! Je m’en doutais un peu…

Ondine : En même temps, faut les comprendre.

Aldébaran : Les comprendre ?

Ondine : Oui, fait un effort.

Aldébaran : Tu te trompes.

Ondine : Moi, me tromper ? Ce n’est juste pas possible : c’est eux que tu peux tromper, pas moi !

Aldébaran : Comment tu causes… Nous sommes mariés et voilà que tu songes déjà à des mensonges…. Écoute, j’ai déjà fait un énorme pas, un énorme effort. Voudrais-tu bien m’aider ?

Ondine : T’aider ? Mais à quoi donc ?

Aldébaran : Hé bien, me comprendre, moi, un peu.

Ondine : Et pourquoi ça ?

Aldébaran : Ne suis-je pas le pont entre toi et eux ?

Ondine (regardant le Public) : oui… (Encourageant le Public) : Oui !

Aldébaran : Un pont n’est-il pas une façon de relier une rive l’autre et l’autre rive l’une ?

Ondine (regardant le Public) : oui… (Encourageant le Public) : Oui !

Ondine et le Public (vers A) : Oui !

Aldébaran (triomphant) : Oui ?

Ondine et le Public (vers A) : Oui !

Aldébaran (éclatant de suffisance) : Yes ! Yes !

Ondine et le Public (vers A) : Yes ! Yes !

(Brouhaha. Aldébaran se dirige vers le fonds de la scène.)

Quittons-nous

Ondine (et tous ceux qui ont joué un rôle) : Quittons-nous désormais.

Aldébaran (ne comprenant pas).

Ondine : Quittons-nous désormais !