Martin apprend encore

La souffrance n’a qu’un seul but, qu’en seul sens : ouvrir les yeux, éveiller l’esprit, avancer la connaissance. – Cioran.

Nous cherchons tous devant nous le sentier lumineux, on jette de la poudre ou du sable pour le révéler et savoir où mettre les pieds. Derrière, les ampoules du spectacle éclatent une à une avec une régularité angoissante. Les lampions des joies prennent feu et elles aussi s’éteignent vite. Elles n’ont éclairé le chemin qu’un peu devant car nous faisons tant d’ombre avec notre corps immense !, notre être présent. Les maigres coups de briquet lancés comme ça à l’aveugle nous servent de phare. Mais encore est-ce quelque chose car, des fois, tout devient subitement noir – Mr Foreman a abaissé un gros interrupteur. Martin enfile la clé de contact. Il est viré du chantier et remonte dans son camping-car. Il ne sait pas où il va. Devant lui une caravane accueille un client, elle bouge ensuite rapidement sur ses vieux pneus. Il y a à peine dix minutes, tout passe, Martin allait sur les poutres, rivetant et négociant avec les plans bâclés de l’usine en montage. Commandant d’autres boulons. Soudant les gestes des gars de l’équipe. Huilant le montage. – Du surplus d’huile, on a pas besoin de chef d’équipe a dit Mr Foreman. Vous êtes fired. Mais tant que Martin a son Promenade, ça va se dit-il. Il démarre. L’exil n’a pas de limite et ceux qui ont fui peuvent fuir encore. Car ce qui les éclaire est par définition devant eux. N’empêche que c’est dur, Martin se l’avoue. Il allume ses phares en plein jour. Sa fuite l’éclaire.


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